Vitraux : couleurs et symboliques

la Bible s’ouvre avec le livre de la Genèse et les versets 1 à 5 qui évoquent les ténèbres et la lumière. La volonté de faire entrer la lumière dans l’église est énoncée avec force par Suger dans ses écrits, De constructione ecclesiae sancti Dionysii, au sujet des travaux de reconstruction du chœur de l’abbatiale de Saint-Denis : les chapelles rayonnantes du chevet « grâce auxquelles toute l’église resplendit de la lumière merveilleuse et ininterrompue des fenêtres étincelantes qui rayonnent leur beauté à l’intérieur »

Pour reprendre ce qu’écrit Georges Duby : « Hugues de Saint-Denis proclame que chaque image sensible est signe ou « sacrement » des choses invisibles, celles que découvrira l’âme lorsqu’elle sera dégagée de son enveloppe corporelle ». Il distingue les étapes de cette progression du visible vers l’invisible :

1. La « lectio » : La « lectio » est une ouverture, elle n’est pas une conquête. Aussi ne la fait-on bien que si on lit en laissant dès le début à l’Esprit de Dieu, la liberté de nous éclairer comme il veut, de nous faire voir ce qu’il veut nous faire contempler, de nous faire désirer à cette lumière ce qui deviendra prière, appel, offrande et abandon à l’amour ; cet amour qui se révèle en se communiquant et qui transforme en éclairant.

2. La « meditatio » : Cette meditatio doit être prudente. Elle ne doit pas nous fixer sur nous-mêmes, elle ne peut que nous fixer sur Dieu ; elle ne peut être œuvre humaine, étude, analyse ; elle doit rester accueil et ouverture. Elle est un désir d’intelligence et de vision. Elle mène vers une adhésion priante et favorise une contemplation toujours plus unifiée et plus complète du mystère de Dieu, selon ses vues. La méditation peut se nourrir avec profit de la « symphonie de l’Écriture », un texte biblique pouvant être éclairé par d’autres ; elle se nourrit aussi du trésor de la tradition chrétienne qui a déjà reçu avec fruit cette Parole de Dieu.

3. L’ « oratio » : Devant la grandeur de Dieu et l’infinie bonté de son amour, cette oratio dépasse la foi en la vérité révélée pour devenir adhésion à l’amour divin, abandon à sa miséricorde, confiance en cette bonté infinie du Père qui envoie son Fils et nous donne l’Esprit. Ce mouvement change la réflexion en une adoration où tout l’homme s’oublie pour ne plus fixer que la Source de toute bonté, le Dieu très saint, fort et immortel, le Dieu qui est amour infini et éternel.

4. La « contemplatio » : La contemplatio dépasse tout effort par un acte d’adhésion à Dieu dans la foi à son Amour ; elle devient espérance en sa miséricorde, elle s’étend en charité pour aimer tout ce que Dieu aime et reporter tout à Lui. On aime pour Dieu, à cause de Lui, comme Lui, par amour de Dieu et amour des hommes. La contemplation fixe dès maintenant tout l’être en Dieu ; elle permet à l’homme d’être par sa seule présence le témoin de Dieu, l’instrument de sa bonté, le signe de sa charité.

La première affirmation que Suger essaya de réaliser dans son œuvre, c’est que « Dieu est Lumière », reprenant le texte de la première épître de Jean : « La nouvelle que nous avons apprise de lui et que nous vous annonçons, c’est que Dieu est lumière, et qu’il n’y a point en lui de ténèbres. » 1Jn 1,5

Cette identité de Dieu avec la lumière s’affirme autant dans l’Ancien que dans le Nouveau Testament et doit se manifester dans l’église qui est celle de l’évêque, celui qui enseigne au peuple chrétien. Cette église enseignante est une préfiguration de la Jérusalem céleste décrite dans l’Apocalypse de Jean : « Son éclat était semblable à celui d’une pierre très précieuse, d’une pierre de jaspe transparente comme du cristal. » Ap 21,11-14

Le fidèle entrant par le portail occidental de la cathédrale doit pouvoir parcourir les différents états décrits par Hugues de Saint-Victor en même temps qu’il s’approche du chœur et du maître-autel où il peut communier pendant la messe.

Par le langage des couleurs et les harmonies changeantes selon la lumière du jour, les vitraux forment une liturgie doxologique, un cantique dont les mots sont des images.

Les vitraux sont aussi liés aux questions que les théologiens se posent sur la liturgie et les sacrements : le baptême par l’eau et l’eucharistie.

L’exemple d’une église orientée est-ouest :

De l’est par où apparaît la lumière du jour, rappelant le début de la Genèse, vers l’ouest où la lumière disparaît avant sa renaissance et le Jugement dernier, ou bien encore du nord qui est consacré à l’histoire biblique jusqu’à l’Incarnation vers le sud qui annonce le royaume de Dieu après la seconde parousie du Christ et la Rédemption, le cheminement narratif des vitraux prolonge le plan en croix de la cathédrale.

Les trois façades avec des roses :
La rose est d’abord la représentation d’une roue. Elle apparaît dans la vision d’Ézéchiel 12. Les animaux de cette vision sont reliés aux êtres vivants de la première vision de l’Apocalypse et aux quatre évangélistes.
Ce n’est que progressivement, comme à Chartres, que la roue va se transformer en rose, symbolisant la Vierge.

Le portail royal sur la façade occidentale porte la rose du Jugement dernier, tandis que la façade nord porte la rose de la Vierge à l’Enfant, rappelant l’Incarnation qui mène à la Rédemption et que la façade sud, avec sa rose du Christ triomphant entouré des 24 vieillards de l’Apocalypse, annonce la seconde parousie et le royaume de Dieu.

La Rose ouest de Chartres :
La rose représente le Jugement dernier avec, au centre, le Christ montrant ses plaies, autour, les anges et les quatre bêtes de l’Apocalypse. Au-dessus se trouvent Abraham et les élus, au-dessous, la Pesée des Âmes, et de part et d’autre, les douze apôtres.
La baie ouest constitue un grand tableau christologique consacré à l’Incarnation du verbe divin en Jésus-Christ. Ces quatre ensembles décrivent successivement son enracinement humain dans la descendance de Jessé et l’annonce des prophètes (l’Arbre de Jessé à droite), suivi de l’incarnation (l’Enfance du Christ au centre) de Dieu le Fils devenu homme, né de la Vierge Marie, puis le sacrifice (la Passion à gauche), et enfin la Rédemption pour ceux qui ont foi en Jésus-Christ (rose du Jugement dernier).

La Rose Ouest de Notre Dame de Paris :
https://gigascopejs.firebaseapp.com/photo/roseouesthd
Au centre la Vierge Marie, couronnée comme une reine, tient son enfant Jésus assis sur son bras gauche. Dans sa main droite elle brandit un sceptre à trois feuilles. L’auréole à fond rouge de la Vierge Marie est constellée de perles sur sa périphérie.
La Vierge Marie tient l’enfant Jésus sur son bras gauche. Jésus enfant bénit de sa main droite, index et majeurs levés, annulaire et auriculaire repliés. Il tient dans sa main gauche une boule, le Monde. Le premier cercle présente douze personnages. Ils n’ont pas d’auréole et ne portent pas les attributs des apôtres. Ils représentent certainement les douze tribus d’Israël. Une de leur main tient un phylactère sans inscription, l’autre montre du doigt le centre de la rose. Le deuxième et le troisième cercle concentrent l’intérêt de cette rose : La moitié supérieure de la rose décrit les vices et les vertus, mis par paires sur les demi-cercles médian et extérieur de la rose. Les douze signes du zodiaque associés aux travaux saisonniers correspondants recouvrent la moitié inférieure de la rose.

Rosace sud de Chartres :
Cette rose est une illustration de la première vision de l’Apocalypse de Jean :

« Monte ici, et je te ferai voir ce qui doit arriver dans la suite. Aussitôt je fus ravi en esprit. Et voici, il y avait un trône dans le ciel, et sur ce trône quelqu’un était assis. Celui qui était assis avait l’aspect d’une pierre de jaspe et de sardoine ; et le trône était environné d’un arc-en-ciel semblable à une émeraude. Autour du trône je vis vingt-quatre vieillards assis, revêtus de vêtements blancs, et sur leurs têtes des couronnes d’or. Du trône sortent des éclairs, des voix et des tonnerres. Devant le trône brûlent sept lampes ardentes, qui sont les sept esprits de Dieu. Il y a encore devant le trône comme une mer de verre, semblable à du cristal. Au milieu du trône et autour du trône, il y a quatre êtres vivants remplis d’yeux devant et derrière. Le premier être vivant est semblable à un lion, le second être vivant est semblable à un veau, le troisième être vivant a la face d’un homme, et la quatrième être vivant est semblable à un aigle qui vole. Les quatre êtres vivants ont chacun six ailes, et ils sont remplis d’yeux tout autour et au dedans. Ils ne cessent de dire jour et nuit : Saint, saint, saint et le Seigneur Dieu, le Tout-Puissant, qui était et qui est, et qui vient ! » Ap 4,1-11.

Au centre de la rose se trouve le Christ en majesté. Le premier cercle représente, à partir du bas à gauche et dans le sens d’une montre, les quatre Vivants de l’Apocalypse : le lion, aussi symbole de l’évangéliste Marc ; le bœuf, aussi symbole de l’évangéliste Luc ; l’homme, aussi symbole de l’évangéliste Matthieu ; l’aigle, aussi symbole de l’évangéliste Jean. Les autres vitraux représentent des anges tenant des encensoirs. Les deux cercles suivants représentent les vingt quatre Vieillards de l’Apocalypse.

La Rose Sud de Notre Dame de Paris :
http://www.gigascope.net/rosace-sud/

Elle comporte quatre-vingt-quatre panneaux répartis sur quatre cercles. Leur nombre s’articule sur les chiffres symboliques quatre, douze et vingt-quatre. Les douze apôtres sont répartis dans les deux cercles. Ils se mélangent à des saints martyrs souvent honorés en France parmi lesquels Laurent, Denis (premier évêque de Paris), Pothin (évêque de Lyon), Marguerite, Blandine, Georges, Ambroise, Eustache. Le troisième et le quatrième cercle décrivent des scènes du nouveau et de l’ancien testament, fuite en Égypte, guérison d’un paralytique, jugement de Salomon et annonciation. Neuf scènes de la vie de Saint Matthieu datent de la fin du XIIe siècle. Les deux écoinçons représentent d’un côté la descente aux enfers, entourée de Moïse et Aaron (en haut) et de la tentation d’Adam et Eve (en bas) ; de l’autre, la résurrection du Christ, avec saint Pierre et saint Paul (en bas), sainte Madeleine et saint Jean (en haut).

Rosace nord de Chartres :
La rose figure, en son centre, la Vierge Marie portant l’Enfant Jésus, autour, un premier cercle présentant au-dessus de la Vierge, quatre colombes, pour les dons du Saint-Esprit, des anges tenant des encensoirs, des anges tenant des chandeliers et des chérubins. Ensuite un deuxième cercle de vitraux en forme de losange représentant la lignée des rois de Juda donnée dans l’Évangile selon Matthieu. Sur un troisième cercle, au bord de la rose, les douze petits prophètes de l’Ancien Testament. Entre le deuxième et le troisième cercles, des quadrilobes aux armes de France.

La Rose Nord de Notre Dame de Paris :
https://gigascopejs.firebaseapp.com/photo/rosenord
La rose Nord est consacrée à l’Ancien Testament. Sa dominante violette est signe d’attente et d’espérance de la venue du Messie. Elle se compose de seize grands pétales qui s’épanouissent du centre vers la périphérie, et qui sont subdivisés de manière à former une double corolle : seize pétales simples rayonnent depuis le médaillon central, avant de se subdiviser chacun en deux. (16 prophètes dans les médaillons de la première corolle, 32 rois et prophètes dans ceux de la deuxième, 32 grands prêtres du peuple hébreu au pourtour).

S’y trouvent la vierge à l’enfant, incrustés dans un décor architectural vouté soutenu par des colonnes aux chapiteaux ornés de fleurs de lys stylisées. L’enfant Jésus est assis sur les genoux de sa mère, la vierge Marie, de sa main droite il effectue un geste de bénédiction. Il porte la nimbe cruciforme, signe de son destin funeste sur la croix. Marie, assise, est nimbée et couronnée (reine du Ciel, cf le Couronnement de la Vierge), son expression témoigne déjà de la future mort du Christ. Elle porte son manteau bleu et dans sa main droite se trouve une rose ou un lys. La rose, blanche, symbolise le Mystère de l’Incarnation ; Rosa sine spina, une Rose sans épines, expression employée par saint Bernard. Le lys est un attribut de la Vierge Marie. Il symbolise l’amour chaste et est un symbole de sa pureté. Saint Bonaventure adorait notamment la Sainte Vierge dans Laus Beatae Mariae Virginis et la comparait avec des fleurs de lys et des roses : Ave coeleste lilium / Ave rosa speciosa.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *