L’axialité frontale de la Chapelle de la Conférence des Évêques de France

Saint François de Sales – Paris

La chapelle de la Conférence des évêques de France fut aménagée en 2007 dans l’ancien couvent de la communauté des Sœurs du Cénacle, avenue de Breteuil dans le VII° arrondissement de Paris. Dès sa création en 1930 ce lieu a toujours eu un usage public en  accueillant les fidèles extérieurs au couvent. Les évêques de France, lorsqu’ils ont transféré tous leurs services rue de Breteuil, ont souhaité maintenir cette tradition.

L’architecte d’intérieur Florence Cosse à du réaménager l’ancienne chapelle des sœurs pour correspondre aux nouveaux usages liturgiques. Auparavant les sœurs étaient situées dans la nef perpendiculaire au chœur qui est aujourd’hui une annexe de la bibliothèque. La nef principale et le chœur sont conservés et accueillerons les évêques et les fidèles. Cette unique nef devient le lieu de célébration communautaire et le lieu de la prière personnelle. Le projet a dû répondre à ce double usage : favoriser l’accueil d’une grande assemblée célébrant tout en préservant le recueillement personnel. Le concours précise que « [cet espace] est le lieu de célébration pour l’eucharistie et la prière des heures, [il] devra convenir à des petites comme à des grandes assemblées, pouvant aller de dix à soixante-dix personnes. Les concélébrations pourront réunir jusqu’à une vingtaine de célébrants autour de l’autel ». L’architecte décide de privilégier l’axe longitudinal et le volume général. Le soin des coloris : beiges pour les sols, murs, vitraux et mobiliers met en évidence l’autel, pour lequel un bleu saphir a été utilisé.

 

La bipolarité entre l’autel et l’ambon permet à l’assemblée réunie de participer de manière commune aux célébrations ou à la liturgie des heures[1]. L’esprit monastique transparait dans cette disposition. C’est un lieu où se rencontrent toute la journée les différents responsables de l’Eglise de France : laïcs, prêtres, religieux et évêques. Un dallage bicolore accentue cet axe majeur. Une bande de dalle plus foncée marque l’axe autel-ambon et s’achève en cercle autour de l’autel, qui n’est pas surélevé, pour éviter les problèmes de place lors des célébrations. Le reste du sol, plus clair, marque le lieu de l’assemblée[2]. Ce dessin au sol illustre également la valeur et la dignité des déplacements effectués depuis l’autel vers l’ambon et vice et versa. Le changement de tonalité de pierre représente une ligne directrice. Rares sont ceux qui la traverse , ils préfèrent faire le tour de l’ambon.

L’ambon se présente comme un livre ouvert. Constitué d’une base en pierre, le livre est disposé sur une plaque de bronze doré. Il est situé à l’entrée de la chapelle. Ceux qui rentrent sont comme invités à prendre part à la lecture de la Parole.

L’autel, d’un bleu saphir intense, est conçu à partir d’une résine. Bien que le Concile recommande l’usage d’une pierre ou d’un matériau solide et digne. Il ressemble à un écrin posé sur la pierre. Le choix de sa couleur contraste avec l’ensemble des teintes pastel de la chapelle. Sa brillance attire inexorablement le fidèle à lui.

Le siège de la présidence trouve naturellement sa place au sanctuaire dans l’axe central. Le bois utilisé pour ce mobilier reprend les lignes épurées des sièges de l’assemblée mais avec une teinte plus sombre.

Il est placé au pied d’une grande « Croix de Gloire » qui transcende le chœur et se remarque de manière victorieuse sur un grand cercle dessiné au fond du mur.

Le lanterneau d’origine situé au-dessus du sanctuaire a été conservé, il répond à un calepinage au sol reprenant sa forme en cercle.

Le vitrail d’un grand oculus placé au Sud, à gauche de l’autel, a été entièrement recréé. Il apporte une belle lueur dorée qui joue également avec les formes en cercle du sanctuaire et du lanterneau.

L’assemblée s’aligne le long de cet axe principal signalé par l’alignement de l’ambon, de l’autel, du siège de présidence et de la « Croix de Gloire ». Les fidèles sont placés face à face et se tournent vers l’ambon ou l’autel selon les moments liturgiques. Cette disposition de l’assemblée respecte pleinement  le souhait du concile Vatican II de promouvoir une assemblée « célébrante » autour de la table de la Parole et de celle de l’eucharistie.

Lorsque l’on s’avance vers l’autel on remarque sur la droite, au Nord, l’oratoire de la réserve eucharistique. Ce lieu important pour la prière personnelle, a été relégué à un espace exigu qui oblige le fidèle à se placer en dehors de l’oratoire, sur les bancs de l’assemblée. Le tabernacle reprend la même couleur saphir de l’autel. Il se contraste fortement avec le ton pourpre qui recouvre l’ensemble de l’oratoire[3].

La chapelle trouve une harmonie par le soin du dessin de lignes et de cercles, au sol et sur les parois avec le contraste que ces formes proposent dans le changement de matériaux ou de teintes. Le grand vitrail circulaire uni éclaire au long du jour et des rayons de lumières qui le traversent, des larges cercles tracés sur le mur ou sur le pavement délimitant le sanctuaire.

L’étirement des pôles de la célébration provoque dans le cas de célébration en petit nombre deux types de réaction : La première est celle d’utiliser un simple lutrin et de la placer à proximité de l’autel. Cette solution fait perdre le sens d’unique lieu dédié à la proclamation de la parole. L’autre réaction est celle du mouvement, c’est l’assemblée entière qui se déplace de l’ambon vers l’autel, accompagnant en procession le célébrant d’une table vers l’autre dans une liturgie itinérante et dynamique.

Le volume, constitué de voûtes en briques qui ont été sablées pour obtenir une tonalité plus claire et redonner son ampleur  au volume d’origine, offre une acoustique remarquable. L’amplification devient quasiment inutile lors des petites célébrations. Cet atout est d’autant plus intéressant que la liturgie des heures qui est célébré par les fidèles plusieurs fois par jour est composée d’un jeu de chants alternés de psaume de l’office.

Il s’agit d’un cas architectura liturgique particulier car de nombreux évêques doivent pouvoir y concélébrer sans pour autant avoir de référence à un siège épiscopal spécifique. On peut citer Saint Augustin qui précise que « pour vous en effet, je suis l’évêque ; avec vous je suis chrétien. »[4]. Ainsi lorsque les évêques sont réunis en assemblée plénière (qui réuni plus de 100 Évêques)  ils se placent dans le lieu même de l’assemblée, concélébrant de manière communautaire en  circumstantes.

[1] . La liturgie des Heures est la prière quotidienne des chrétiens, dans la continuité de la prière juive des psaumes plusieurs fois par jour.

[2] . Sandrine Vivier, La chapelle Saint-François de Sales, Chroniques d’Art sacré, n° 91, 2007 , p.24-25.

[3] . Claire Génin, Cattedra, sede presbiterale e riserva eucaristica : realizzazioni contemporanee in Francia e Belgio. Assemblea Santa, Edizioni Qiqajon, 2009, p.121-123.

[4] . Saint Augustin, Sermon 340,1, cité en Lumen Gentium 32.

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