Une polarité axiale en l’église Saint François de Molitor

Favoriser la pleine participation des fidèles

 

L’église paroissiale de Saint François de Molitor construite dans le XVI° arrondissement à Paris fut consacrée par Mgr André Vingt-Trois le 18 mars 2005. C’est en 1991 que l’Association diocésaine de Paris organise un concours restreint pour l’édification de l’église. Elle désigne Corine Cailles comme lauréate. En Octobre 2000, le Cardinal Lustiger invite Jean-Marie Duthilleul à s’associer au projet avec Corinne Cailles. Le projet évolue alors de manière radicale. Le permis de construire modificatif transforme les façades, la salle d’église et le rôle du jardin. Le parement, côté rue, change et se couvre de panneaux de marbre blanc collés sur verre[1].

A forte consonance biblique, le plan met en relation le jardin (image de l’Eden) et la ville. Entre se situe l’assemblée autour de l’autel qu’elle enveloppe. Depuis la rue l’église est signalée par un clocher et trois portes monumentales l’ensemble étant recouvert de marbre ou de bois, révélant ainsi le caractère sacré du lieu. Le caractère translucide du marbre des façades offre en soirée, lorsque les lumières intérieures sont allumés,  des volumes comme s’il s’agissait de grandes lanternes.

Le narthex est un véritable filtre entre la rue, la ville, le lieu de l’assemblée et le jardin extérieur. Sa grande largeur filtre aussi la lueur du jour faisant entrer le visiteur dans une atmosphère tamisée et accueillante. La double hauteur amène un profond silence dans ce lieu, les personnes sont invitées à se préparer à entrer dans le lieu sacré, il se ressent une grande « crainte », non dans le sens de peur, mais celui de respect. Ce lieu vide laisse entrevoir le sanctuaire au travers des claustras constitués par les vitrages des trois portes d’entrée.

L’assemblée est disposée sur un sol creusé : un peu comme le fond d’un bateau, d’une nef[2]. Le peuple des fidèles, disposé le long d’un anneau ouvert, est placé autour de l’autel, de l’ambon et du baptistère en « circumstantes [3]».

Saint François de Molitor possède en plus de l’autel un second barycentre, le lieu de la Parole – l’Ambon –  situé dans l’axe avec l’autel, et ayant derrière lui une grande croix et une verrière. Ainsi l’assemblée est orientée, en écoutant la Parole proclamée depuis l’ambon, vers un transcendant qui s’élève dans « l’espace de Gloire ». La chapelle où se situe la réserve eucharistique est située à l’Est de l’édifice – orienté vers l’orient -, excavée à l’intérieur du volume de la tribune et accessible par trois ouvertures de puis la nef.

Ce projet représente une recherche de spatialité dynamique  qui abandonne de manière décisive le module statique du sanctuaire « fermé » avec une frontalité stricte célébrant-assemblée. Le long de la ligne médiane des foyers de l’ellipse, se déploient, dans l’axe, les éléments principaux de la liturgie chrétienne : le baptistère avec le cierge Pascal, l’autel au centre et l’ambon placé à l’autre extrémité de l’ellipse, du côté de la grande verrière. Cette verrière permet de ne pas refermer l’espace sur lui-même, mais elle oriente et ouvre vers un espace lumineux, qui anticipe la gloire de la parousie[4]. Le grenaillage du vitrage rejoint le rôle des vitraux en créant une impression de nuée au rapport très biblique. Orienté au Nord la luminosité reste constante, sans éblouissement, c’est un esprit de plénitude et d’apaisement qu’inspire ce lieu. En fonction des heures du jour et de la nuit, ce miroir reflète les lueurs de l’assemblée ou du jardin, la perception de l’espace réel et symbolique en est démultiplié. La verrière dévoile un jardin disposé à l’extérieur. Il est le symbole biblique du jardin d’Eden.

Au centre de cette verrière est placé une grande croix qui, par son dessin structurel, se dresse de manière vigoureuse, voir victorieuse et s’illumine avec la lumière du jour.

L’axialité dans cette typologie bifocale elliptique à l’indubitable avantage de garantir une proximité enveloppante de l’assemblée. Cette forme à également l’avantage d’éviter une frontalité statique entre l’assemblée et le célébrant.

Dans le parcours d’entrée du fidèle, la première rencontre est avec la source baptismale. Le parcours d’entrée s’oriente à partir de la célébration du baptême, commencement de la vie sacramentelle de la vie chrétienne. Le baptistère se place dans une relation constante avec l’autel et l’ambon de par son alignement. Il prend une importance prééminente sur les autres lieux sacramentels subsidiaires.

La position de l’autel au milieu de l’ellipse permet de garantir son rôle de point focal de l’action eucharistique. Sa proximité avec l’assemblée permet également une pleine participation des fidèles.

Le siège de la présidence fait intégralement partie de la disposition des sièges de l’assemblée. Ils sont placés entre l’ambon et l’autel.

L’ambon dans son emplacement en extrémité d’ellipse peut paraître excentré. Mais il fait naturellement écho à ce qui se dévoile derrière lui. Lorsque la Parole est proclamée, le lecteur est placé en contre-jour, le jardin illustre ainsi le livre de la Genèse où Dieu vient parler à Adam et Eve. Les fidèles sont invités à réellement écouter la Parole, à y prêter attention de manière active, elle s’illustre devant eux par la nature même de l’architecture.

La pente douce du sol permet de se laisser « glisser » littéralement vers l’autel. Les formes du lieu sont figées car les courbures du sol obligent à fixer les bancs. Il oblige alors les fidèles et plus particulièrement les célébrants à construire et adapter les célébrations et surtout les processions au lieu. Le déploiement des mouvements de communion s’accompli en véritables processions qui permettent aux fidèles d’habiter le lieu.

Ce qui marque le visiteur ou  le fidèle c’est le soin apporté aux détails du dessin. Chaque lieu, chaque espace, chaque objet possède une valeur esthétique et fonctionnelle remarquable. La difficulté majeure d’un espace constitué de courbes est la capacité du concepteur à maîtriser chaque élément qui viendra s’y implanter. La proximité des fidèles du lieu des célébrations, eucharistie, baptême, mariage, etc., demande également un soin très minutieux de la part des célébrants, car tout est visible et potentiellement perturbateur. La dimension communautaire de l’édifice et de l’assemblée se ressent plus facilement avec une assemblées relativement peu nombreuse mais peut devenir difficile lors des célébrations nombreuses où plus de quatre cent fidèles assis sont réunis.

 

[1] . Jean-François Pousse, Extrait de Technique et Architecture, n.459, Avril Mai 2002,  p.55.

[2] . Jean-Marie Duthilleul, Conception de l’église Saint-François de Molitor à Paris, Dossier de Presse, Mars 2005, p.1.

[3] .Les circumstantes, selon le canon romain au IVe siècle défini les fidèles qui se placent autour de l’autel chacun étant, de facto, un célébrant.

[4] . Le mot parousie est un terme biblique utilisé par les chrétiens pour désigner la seconde venue, le retour glorieux du Christ à la fin des temps bibliques.

1 commentaire sur “Une polarité axiale en l’église Saint François de Molitor

  1. Voici donc un espace de célébration tout à fait adapté à la sensibilité de l’homme du XXIème siècle !
    Un peu aussi comme un chœur monastique… nous devrions nous inspirer sans modération de ce modèle !
    Jacques Dieudonné
    diacre sculpteur

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