Celui qui cherche la beauté trouvera la vanité
Celui qui cherche la vérité trouvera la beauté
Moshe Safdie1982, Form and Purpose
Le fondement de la beauté de la liturgie[1]
Il-a-t-il une limite entre l’émotion esthétique et le véritable sens spirituel ? Que signifie avoir une belle liturgie, répondre au goût des consommateurs ? La liturgie n’est pas une sorte de marchandise, elle n’est pas le supermarché de l’Eglise ! Nous savons qu’elle est avant tout œuvre de Dieu, adoration, accueil, gratuité. Alors, nous devons nous demander quels sont les critères fondamentaux de la beauté de la liturgie au-delà des gouts et des modes. Ce serait en effet une grande erreur d’appliquer simplement à la liturgie les gouts profanes du beau.
La noble simplicité de l’amour[2]
Les Evangiles nous présentent la gestualité concrète et humaine de Jésus : il marche, bénit, touche, guérit, fait de la boue, lève les yeux vers le ciel, rompt le pain, prend le calice. Ce sont des gestes que, la liturgie reprend dans la célébration des Sacrements. Mais c’est surtout la veille de sa Passion que Jésus a enseigné les gestes que nous devons accomplir à notre tour. Il est le maître de notre éducation liturgique. Son art consiste à mettre l’essentiel en peu de choses. La signification de la liturgie ne devient transparente que dans la simplicité et la sobriété.
« Père Saint, quand l’Heure fut venue où tu allais le glorifier, comme il avait aimé les siens qui étaient dans le monde, il les aima jusqu’au bout : pendant le repas qu’il partageait avec eux, il prit le pain, il le rompit, et le donna à ses disciples en disant […] . De même il prit la coupe remplie de vin, il rendit grâce et la donna à ses disciples […] » (Missel Romain, Prière Eucharistique IV).
Qu’est-ce qui rend beau le geste du Seigneur ? La décoration de la salle ? La manière dont la table a été préparée ? La richesse de la nappe ? Certes, tout cela sert à souligner la beauté comme un cadre met en évidence la beauté d’un tableau. Mais la vraie beauté est le geste de l’amour salvifique : « il les aima jusqu’au bout… il prit le pain ». C’est pour cela que le geste est beau. Lorsqu’elle répète le geste du Christ, l’Eglise le trouve beau parce qu’elle reconnaît dans le geste l’amour de son Seigneur. Le sens esthétique, le sens de la beauté de la liturgie, ne dépend pas en premier lieu de l’art, mais de l’amour du mystère pascal. Pour collaborer avec la liturgie, l’art a besoin d’être évangélisé par l’amour.
Lorsqu’il s’agit de mobilier ou d’objets liturgiques voir d’espaces, qui participent donc de la vie sacramentelle aucune subjectivité n’est admissible : concevoir un tel mobilier ou tel objet relève du service de l’église derrière laquelle l’artiste ne peut que s’effacer. L’art est au service de la liturgie et des fidèles, et non l’inverse.[3]
Liturgie acte d’amour[4]
La messe, « mystère » de la Vie divine épousant la personne humaine, à de profonds harmoniques avec la relation conjugale, « mystère » d’union de la vie des époux.
- Le premier baiser. Le Célébrant avant d’unir l’assemblée dans une célébration commune dépose un baiser sur l’autel, signe du Christ époux de l’Eglise.
- Purification et lavement des corps et des âmes : aspersions lors de grandes solennité.
- La demande de pardon. Le pardon donné et reçu. L’entrée en communion se fait ainsi, naturellement, par le pardon mutuel.
- Le dialogue : la liturgie de la Parole. La communauté eucharistique commence à se tisser au début de la messe par le temps de la Parole : le Peuple de Dieu (suscité par Dieu !) se remémore ce qui l’a constitué. Dans le couple et dans la famille ce que nous avons en commun, c’est notre histoire : nous commémorons.
- la confession de foi. Qu’avons-nous en commun tous les deux pour l’avenir ?
- L’offrande des corps : l’offertoire. C’est seulement après avoir constaté et vécu notre accord sur l’essentiel que peut survenir, dans l’abandon, l’offrande et le partage des corps.
- La consécration : le don total de soi. « J’ai désiré d’un grand désir manger cette Pâque avec vous, avant de souffrir » (Lc 22,15). Cette phrase dite par Jésus à la Cène, où il institue le sacrement de l’eucharistie – qu’il consommera sur la croix et dans la résurrection – , rappel que tout commence par un désir.
- Le dernier baiser. Le célébrant avant de quitter le lieu de la célébration dépose un dernier baiser sur l’autel.
Saint Paul nous invite à percer le mystère sacramentel de l’union conjugale à travers le regard aimant du Christ.
[5]La beauté d’une célébration eucharistique ne dépend pas essentiellement de la beauté architecturale, des icônes, des chants, des ornements sacrés, de la chorégraphie et des couleurs, mais en premier lieu de sa capacité à laisser transparaître le geste d’amour accompli par Jésus.
Par l’intermédiaire des gestes, des paroles et des prières de la liturgie, nous devons reproduire et faire transparaître les gestes, la prière et la parole du Seigneur Jésus. C’est là le commandement que nous avons reçu du Seigneur : « Faites ceci en mémoire de moi ».
« Le style liturgique, comme celui de Jésus, doit être simple et austère. Dans les célébrations, nous devons devenir, selon les Pères du Concile, les maîtres de l’art de la « noble simplicité » (S.C., 34)
[1] UFFICIO DELLE CELEBRAZIONI LITURGICHE DEL SOMMO PONTEFICE, LITURGIA E BELLEZZA, Esperienze di rinnovamento in alcune celebrazioni pontificie, PIERO MARINI
[2] UFFICIO DELLE CELEBRAZIONI LITURGICHE DEL SOMMO PONTEFICE, LITURGIA E BELLEZZA, Esperienze di rinnovamento in alcune celebrazioni pontificie, PIERO MARINI
[3] Jean Marie Duthilleul, Editions Mame, Espace et liturgie, collection.
[4] Olivier Florant, Ne gachez pas votre plaisir il est sacré, pour une liturgie de l’orgasme, presse de la renaissance, P. 159 : Union conjugale : les étapes du rite.
[5] UFFICIO DELLE CELEBRAZIONI LITURGICHE DEL SOMMO PONTEFICE, LITURGIA E BELLEZZA, Esperienze di rinnovamento in alcune celebrazioni pontificie, PIERO MARINI